Les liens de l'esprit - chapitre 9

Publié le par shadeikin

Chapitre 9 : Jamais vraiment séparés

 

            Le réveil sonna sept heures du matin dans la chambre Uranus. Shad l’éteignit d’un plat de la main, grognon, toqua sur les paravents pour réveiller les garçons. La voix encore un peu ensommeillée de Sébastien lui répondit qu’il était levé et ils sortirent doucement, un peu en mode zombie de leur partie privée de la chambre. C’était la dernière fois qu’ils se réveillaient sous l’image mouvante du système solaire dans ce château. Le grand chaudron qui avait contenu l’étrange potion verdâtre de Seichiro avait disparu de la chambre, laissant place à trois verres fermés par des opercules de plastique, qui contenaient les dernières doses de leur billet de retour dans leur monde. Ils sortirent de la chambre ensemble, sans réel entrain, allèrent se doucher et s’habiller avec leurs tenues de combat, puis rejoignirent leurs homologues dans la salle à manger pour le petit-déjeuner.

 

_Lliane : Bonjour vous trois ! C’est le grand jour ! Ressentez-vous l’effet de la potion ?

_Shad : Bof…

_Rémi : Pas tant que ça…

_Sébastien : Je ne sais pas…

_Rémus: Vous ne l’avez peut-être pas remarqué, mais vos sens se sont bien plus développés que ne le permettent nos entraînements. Et vous parvenez à dégager une énergie plus que satisfaisante avec vos armes. Vous êtes en train de changer.

_Seichiro : Et votre aura est légèrement différente.

_Shad : D’ailleurs, je sais que je suis souvent sujette aux maux de tête, mais ça m’arrive quand même plus souvent ces temps-ci.

_Sébastien : C’est vrai que nous sommes souvent allés voir Sanne pour demander des antidouleurs…

_Lliane : C’est parce que vous devez contrôler cette nouvelle énergie. Grâce à l’entraînement, vous savez la contenir, mais ce n’est pas non plus quelque chose de totalement naturel pour votre corps.

_Seichiro : Ces fameux pouvoirs ne se manifesteront vraiment que quelques heures durant après la prise de votre dernier verre. Tâchez de rester zens et concentrés ce soir ; n’allez pas libérer de l’énergie par inadvertance.

_Shad : Nous essaierons.

_Rémus: Ne vous inquiétez pas. Nous serons là pour vous dire comment procéder.

_Seichiro : Histoire de ne pas gaspiller inutilement de l’énergie, les entraînements d’aujourd’hui seront plus légers, juste histoire de se dérouiller un peu.

_Lliane : D’ailleurs, j’ai croisé plusieurs élèves que vous connaissez ces derniers jours, ils ont demandé des précisions sur votre départ. Ils savent juste que vous partirez ce soir dans la nuit, mais que seuls Seichiro, Rémus, Myia, Kaoru et moi pourrons vous accompagner.

_Shad : Et qu’en disent-ils ?

_Lliane : Pour toi Shad, tu connais surtout Gally et Miyako. Celle-là tu la connais, elle n’a pas dit grand-chose. Gally dit que c’est dommage.

_Rémus: Au fait, histoire de dire au revoir à tout le monde, vous pourriez rester tous en cours aujourd’hui.

_Rémi : Oui, c’est une bonne idée.

_Sébastien : Ça me va.

_Shad : Moi je dois aller au croissant de la lune blanche après l’entraînement.

_Rémus: T’inquiète, Miyako est avec vous dans votre premier cours avec Lliane, nous lui expliquerons.
_Lliane : Je vais envoyer Mira porter un message à Gally. Et de toute façon, en venant te chercher tous les soirs, j’ai mémorisé certaines choses, et il me semble qu’Evangelle sera pas mal à la boutique aujourd’hui. Et Gally est loin d’être débordée en ce moment.

_Shad : Bon, ben, ok…

 

 

            Comme Seichiro l’avait dit, l’entraînement fut des plus soft dans le complexe sportif. Ils allèrent faire quelques longueurs et s’amuser à la piscine, Seichiro faisant baver les quelques filles présentes en se prélassant sur un transat en maillot. Cette fois, Stephan se garda bien de lancer une phrase porteuse de poisse et, comme le porte poisse dénommé Osaya n’était pas là, il n’y eut pas d’incident. Comme ils sortaient de la piscine, repasser par les douches du château s’avéra inutile et ils partirent directement pour le cours de Lliane, le vampire les abandonnant pour retourner en salle des professeurs. La journée fut maussade. Les élèves n’avaient rien de chaleureux. Quand les trois humains parlaient de leur départ, ils avaient droit à des « je suis au courant » ou « j’espère que votre voyage se passera bien » sans grande conviction. Ils ne les connaissaient certes que depuis un mois, mais ils s’attendaient à un peu plus de réaction, sans pour autant penser que leurs camarades leur feraient une grande scène d’émotion.

Rémus n’avait pas ouvert son échoppe aujourd’hui et, suivi par son aigle Roy, il passait le plus de temps possible avec les trois invités du château.

 

_Shad : Dis Rémus …

_Rémus: Hum ?

_Shad : Avons-nous fait quelque chose qui les aurait offensés ?

_Rémus : Pourquoi demandes-tu ça ?
_Rémi : Et bien, nous ne nous attendions pas à de grands pleurs, mais là, je les trouve un peu froids quand même…

_Sébastien : Même Iris a l’air un peu éteinte.

_Rémus : Non, je pense que c’est l’approche des évaluations qui plombe un peu l’ambiance, ne vous en faites pas.

_Shad : Si tu le dis…

 

            Le midi, traditionnelle réunion à la cantine. Il fut décidé qu’ils iraient boire un dernier verre dans un bar avant d’aller faire le rituel. Sébastien proposa en souriant que Seichiro se charge d’aller inviter Myia, étant donné qu’elle devait être présente au rituel, elle aussi. Rémus devait aller chercher Kaoru au cimetière avant de les rejoindre au bar et Lliane décida d’aller profiter un peu d’un petit bain aux sources chaudes avec les trois humains après avoir supervisé seule leur dernière séance d’entraînement.

Tout comme celui du matin, l’entraînement du soir fut soft et le bain ne dura qu’un quart d’heure, histoire de ne pas les rendre somnolents. Retour ensuite pour se changer : les trois humains mirent leurs tenues habillée, rendirent les pyjamas à Lliane qui se chargerait de rapporter ceux des garçons à leurs propriétaires; restituèrent les affaires de toilette et rangèrent leurs armes et tenues de combat dans leurs bourses sans fond qu’ils attachèrent à leurs ceintures avec des chaînettes. Ils emmenèrent enfin le reste de la potion verdâtre dans un petit sac. Lliane, quant à elle, revêtit un pantalon blanc avec un peu de violet en bas des jambes et quelques lanières pour fermer les pattes et un haut fermé sur le cou, mais laissant une agréable vue sur son décolleté. Il était blanc et violet avec d’élégants pants de tissus violets qui pendaient sur le côté à partir des hanches. Elle enfila ensuite des bottines à talon blanches. Shad se rappela que c’était la tenue que l’auteur de Kaoru lui avait dessinée quand elle avait dû écrire des posts avec Lliane à l’anniversaire de Viey Hamazaki, du temps où cette dernière était encore directrice de l’école et son auteur admin du forum.

Le soir tombait, il était temps d’aller au bar. Ils marchèrent silencieusement dans les rues calmes de la ville, puis arrivèrent devant la porte du bar. Ils attendirent quelques minutes et virent Rémus arriver. Lui aussi était bien habillé : pantalon noir et chaussures de ville, surmontés d’une chemise blanche aux manches longues ouverte aux trois premiers boutons, laissant voir un ras du cou noir avec des symboles de dragon rouges et une chaîne en argent supportant un pendentif représentant un glaive avec des ailes d’ange. Il fut décidé qu’ils attendraient les autres à l’intérieur et le groupe pénétra dans la salle plongée dans le noir, quand tout à coup…

 

_... : SURPRISE !!!!!!!

            Les trois humains avaient soudain été aveuglés par des projecteurs soudainement allumés. Une fois leurs yeux habitués, ils purent remarquer que Lliane, Rémus, Seichiro, Myia, mais aussi plusieurs de leurs camarades de classe applaudissaient les heureux piégés, pour lesquels ils s’étaient mis sur leur trente-et-un et avaient organisé cette réunion surprise, avec la complicité de Rémus et des deux professeurs qu’ils avaient tant cotoyés.  Le bar avait été réservé pour eux, aucun autre consommateur ne viendrait troubler la fête.

Chacun des comploteurs vint leur faire la bise : Iris Karell, Gally Fylbers, Miyako Akai, Stephan Jehova, Hely Hajon, Luna Lin et Mitsuko Kinnada.

 

_Luna : Alors, vous êtes contents ?

_Shad : Oh, le vieux complot !

_Rémi: Nous avons vraiment cru que vous nous faisiez la tête.

_Sébastien : En fait, ça aurait dû nous mettre la puce à l’oreille.

_Hely : C’est le coup classique, on vous ignore pour que la surprise fasse encore plus d’effet.

_Gally : Quoique dans ton cas, ton comportement était sensiblement le même.

_Hely : Hnn…

_Shad : N’émets pas ce genre de grognements, sinon je vais devoir t’appeler Sasuke !

_Hely : Hein ?

_Sébastien : Non, alors toi aussi tu as succombé au phénomène Naruto.

_Shad : Oh, c’est bon…

 

            Les gwendalaviriens qui les entouraient les regardèrent avec des yeux ronds. Il fallut leur expliquer de quoi ils parlaient. Shad fut la seule à prendre une boisson non-alcoolisée : un thé glacé à la pêche. Les conversations allaient bon train, quand Iris commença à se tortiller sur son siège. N’y tenant plus, elle prit par le bras le premier mâle qui lui tomba sous la main et mit la musique à fond. C’est ainsi que Stephan se retrouva à danser au milieu de la piste dans les bras de la fée.

 

_Iris : Allez, bon sang ! Nous ne sommes pas des vieux !!! Tous en piste !!!

 

            Souriant à l’initiative, Lliane proposa à Rémus de l’imiter. Seichiro, quant à lui, invita galamment Miya à les suivre. Cela faisait donc trois couples sur la piste. Shad aimait bien s’amuser, mais sa timidité l’empêchait de le faire, à moins d’être devant des personnes en nombre réduit et surtout bien connues. Heureusement, Luna et Gally prirent les choses en main : quatre filles supplémentaires se retrouvèrent à danser ; Gally avait entraîné Miyako et Luna avait attrapé Shad par le bras, suivie par Rémi. Mitsuko et Hely étaient restés assis à discuter. Enfin « discuter » était un bien grand mot, étant donnée l’habituelle faible motivation de Hely à tenir une conversation.

 

_Mitsuko : Tu n’as pas l’air de trop vouloir t’amuser avec les autres, alors pourquoi es-tu venu ?

_Hely : Pourquoi dis-tu ça ? Ai-je l’air de ne pas m’amuser ?

_Mitsuko : Disons que tu ne participes pas franchement…

_Hely : Toi non plus, tu n’es pas sur la piste…

_Luna : Oh, les amoureux ! Venez avec nous !

_Shad : Calme-toi Luna !

_Miyako : Qu’est-ce qu’il fait chaud ! Tout le monde à poil !!!!

_Lliane : Miyako ! Remets ta ceinture !

_Hely : Qu’est-ce que c’est que ce foutoir ?

_Sébastien : Gally leur a mis à chacune une bouteille dans la bouche et les a forcées à boire…

_Rémus: Viens Rémi, nous allons leur demander un bon « debout les morts » à chacune, ça va les faire dégriser.

            Les deux jeunes hommes allèrent chercher une mixture pour rendre à Luna et Miyako leur état normal. Pendant ce temps, Lliane et Seichiro tentaient de rattraper Miyako qui courait à travers le bar en faisant tourner la ceinture de son kimono en l’air. Luna, elle, avait fait brutalement basculer Hely sur une banquette et lui avait balancé Mitsuko dessus, les poussant à s’embrasser. Shad et Iris tentaient en vain d’essayer de la calmer ou de détourner son attention. Mitsuko voulait se relever, mais Luna l’obligeait à rester tantôt allongée, tantôt à genoux sur Hely.

 

_Mitsuko : Luna, arrête tes conneries ! Si nous voulons faire quelque chose, nous sommes assez grands pour nous débrouiller ! Et dans le cas contraire, tu n’as pas à nous forcer !

_Hely : Mitsuko, fais donc attention où tu mets tes jambes, tu me broies !

_Mitsuko : Oh, pardon…

 

            Les professeurs parvinrent enfin à immobiliser les deux ivrognes et Rémus tira violemment Mitsuko loin de Hely, tandis que Rémi apportait les boissons qui devaient dégriser les deux folles.

 

_Rémus: C’est très animé dans le coin… Vous vous amusez bien ?

_Hely : Je suis content d’avoir revu les trois temporaires avant leur départ, mais là, j’avoue que je sature un peu avec toute cette agitation…

_Rémus : Moui… Si tu veux, les toilettes sont par là.

_Hely : Non, merci… Je ne m’excite pas si facilement, j’ai passé l’âge !

_Mitsuko : Calme-toi Rémus … C’est Luna qui nous a fait chier avec ses gamineries elle nous embêtait autant l’un que l’autre.

 

            Gally se faisait sermonner par Lliane. Cette dernière se rappela qu’elle avait elle-même dansé d’une manière qui avait fait baver tous les mecs du bar un jour où Miyako lui avait fait subir la même chose. Elle se rappelait également le phénoménal mal de tête qui avait suvi le lendemain. Gally s’excusa. Luna et Miyako, encore un peu joyeuses et légèrement vaseuses, rejoignirent Hely sur sa banquette. Tout le groupe se retrouva bientôt à nouveau assis autour de différents plateaux de toast et d’amuse-gueules, pour aider à dissiper les effets de l’alcool. Une fois les plateaux bien entamés, de nouvelles danses commencèrent, mais cette fois, sans alcool. Shad, d’abord timide, finit par danser librement et elle offrit avec Lliane une chorégraphie aérienne et sensuelle, sous les applaudissements et les sifflements approbateurs de l’assemblée. Les heures passèrent, joyeuses. Mais bientôt, les yeux commencèrent à se faire lourds et Seichiro regarda la pendule.

 

_Seichiro : Il est vingt-trois heures trente passée. Nous devrions penser à ramener nos hôtes chez eux.

_Lliane : C’est vrai qu’il va être temps de partir…

 

            Les trois humains approuvèrent silencieusement, légèrement déçus de devoir quitter leurs amis. Ce furent alors dix minutes de free hugs et autres au revoir chaleureux. Shad, annonça à regrets qu’il leur serait sûrement impossible de donner des nouvelles, mais Sébastien et Rémi nuancèrent cette mauvaise nouvelle en disant qu’ils n’étaient pas près d’oublier de tels olibrius et que leur séjour avait été très agréable. Ils sortirent tous ensembles du bar et devisèrent gaiement en marchant vers le château. Ils se dirent un dernier « bonne nuit » dans le hall avant de se séparer. Lliane, Seichiro, Rémus, Myia et les trois humains allaient entrer dans le bâtiment principal et les autres dans l’aile droite, vers les dortoirs quand Shad se retourna, prise d’une certaine forme de remords.

_Shad : Hey, attendez !

 

            Tout le monde se tourna vers elle et le groupe se dirigeant vers le dortoir l’invita à s’exprimer.

 

_Shad : Je pense que vous êtes en droit de savoir que nous sommes de simples humains !

 

            Elle avait dit sa phrase comme on avale un médicament : d’une traite, sans s’arrêter. Le silence se fit. Seichiro laissa échapper un petit « baka » dans un murmure, Lliane sourit et Rémi et Sébastien échangèrent un regard étonné avant de sourire. Après tout, il était vrai qu’ils étaient en droit de savoir. Les élèves et Stephan parurent d’abord choqués, puis réfléchirent avant de finir par prendre la parole.

 

_Hely : Ah…

_Iris : On s’en fout ! Vous êtes cools !

_Luna : C’est vrai… Nous nous sommes bien amusés.

_Miyako : Comme quoi, je noircissais peut-être un peu le tableau…

_Mitsuko : Au moins, ça prouve que chez les humains aussi, il peut y avoir de beaux mecs…

_Gally : Ce n’est pas grave, nous sommes censé apprendre à être tolérants ici et puis, je ne pense pas que vous allez révéler aux autres humains l’existence de cette île et la faire raser.

_Stephan : Je m’en fiche personnellement, surtout que vous avez été très gentils de vous occuper des blessés à la piscine.

 

            L’avis était unanimement positif. Soulagée, Shad leur dit un dernier au revoir et leur offrit son plus beau sourire avant de reprendre le chemin des salles de cours avec ses compères. Ils rejoignirent la salle dans laquelle les trois humains avaient fait leur entrée dans le château de Gwendalavir un mois auparavant. Myia brisa les scellés qu’elle avait pris la précaution de placer afin qu’aucun élève ne fasse de bêtise avec le pentacle et la cuve de sang qui avait servis pour le rituel. Kaoru les attendait au centre du pentacle qui n’avait pas été effacé depuis. Ils le saluèrent tous avant de se mettre en place. 

            Comme lors de leur première séance, les trois professeurs, Rémus et Kaoru se postèrent sur les serpents tracés aux sommets du pentacle.

 

_Rémi : Que devons-nous faire ?

_Seichiro : Commencez par prendre votre potion et mettez-vous au centre du cercle intérieur.

 

            Shad sortit les verres hermétiquement fermés du sac dans lequel elle les avait emportés. Ils burent une dernière fois la mixture épaisse, ne pouvant réprimer une grimace. Lliane déplaça la cuve remplie d’un mélange de sang de chevalier dragon et de sang de vampire par télékinésie pour leur laisser la place libre au milieu des runes où les trois humains s’assirent. Il leur fallait maintenant attendre une bonne demie-heure que la dernière prise de potion fasse son effet. Ils profitèrent de ce temps d’attente pour discuter.

 

_Kaoru : Alors, avez-vous apprécié votre séjour ?

_Shad : Oui, beaucoup !

_Rémi : Dommage que nous ne puissions pas nous revoir après…

_Seichiro : Ce qui me perturbe, c’est de savoir qu’en quelques sortes, vous allez continuer sans le vouloir à nous épier… Je n’aime pas me sentir observé.

_Sébastien : Ce n’est pas comme si nous le cherchions… Et les autres membres du forum ne verront toujours ça que comme de simples posts sortis de leur imagination.

_Seichiro : Mais vous, vous saurez que ça nous arrive vraiment.

_Shad : Au moins, comme ça, nous aurons de vos nouvelles…

_Rémi : Il faudrait que nous puissions vous en donner aussi…

_Lliane : J’avais l’intention de faire des recherches pour trouver un moyen de communiquer avec vous sans ouvrir de portail vers votre monde.

_Rémus : Mais chercher à communiquer avec un monde dont on ne sait rien, c’est impossible… Il y a des milliards d’univers parallèles, comment faire pour trouver le leur ? La seule chose que nous aurons, ce sera le souvenir de les avoir rencontrés.

_Myia : Peut-être que si vous nous laissiez quelque chose qui viens de chez vous, ça deviendrait possible…

 

            Shad se releva alors et fouilla dans sa bourse. Les humains avaient gardé leurs tenues élégantes faites par Gally et Miyako. Leurs tenues de combat, leurs armes et leurs affaires venant de leur monde étaient dans leurs bourses. La jeune fille finit par en sortir un médaillon en or suspendu à une chaîne du même métal. Le bijou était ovale et arborait une petite plaque de nacre bleutée, ovale elle aussi sur presque toute la surface de la face avant. Elle le mit dans la main de Lliane qui l’ouvrit. L’elfe-démon y découvrit une petite mèche de cheveux : elle provenait de la toute première coupe de cheveux de Shad et sa mère l’avait précieusement gardée avant d’en donner un peu à sa  propriétaire pour la mettre dans son médaillon.

 

_Shad : Je l’ai depuis des années... Je pense que ça devrait faire l’affaire.

_Lliane : Il me semble en effet évident qu’il contient de forts sentiments, ce sera parfait, merci. J’en prendrai soin, tu peux en être sûre.

 

            Shad alla se rasseoir, puis dix minutes plus tard, les trois humains commencèrent à ressentir une douleur diffuse dans leurs têtes et se mirent à rayonner légèrement. C’était le signe qu’ils avaient acquis des pouvoirs complets et qu’ils pouvaient commencer le rituel.

 

_Myia : Concentrez-vous. Pensez très clairement à l’endroit où vous étiez juste avant de venir à Gwendalavir. Ne pensez qu’à ça et à votre envie d’y retourner.

 

            Les trois humains se concentrèrent autant qu’ils le purent malgré leur mal de tête. Les cinq gwendalaviriens joignirent leurs mains, laissant leurs pouces et index relevés comme la première fois. Les marques de craie au sol se mirent alors à luire et une forte énergie se dégagea du cercle, provoquant des mouvements d’air qui firent voleter les cheveux et les vêtements des participants.

 

_Seichiro : Esprits ancestraux, nous vous implorons.

_Myia : Guides omniscients, nous vous appelons.

_Lliane : Ouvrez pour nous les portes immatérielles.

_Rémus : Vers la terre de ces trois êtres déracinés.

_Kaoru : Ramenez-les vers leur place naturelle.

 

            L’aura des gwendalaviriens se mit à luire en accord avec la lumière jaune éclatante du cercle. Celles de Seichiro et Miya étaient sombres. Celle de Lliane était plutôt violette. Kaoru luisait d’un éclat rouge sang et la moitié gauche du corps de Rémus était entourée d’une lumière argentée tandis que son côté droit rayonnait d’or. Le cercle central où se tenaient les humains prit alors une couleur argentée et une consistance étrange, à mi-chemin entre un liquide et de la brume. Ils ouvrirent un instant les yeux, se sentant attiré à travers le sol, effrayés. Rémus et Lliane les rassurèrent et leur dirent de bien se concentrer. Malgré la sensation désagréable que leurs jambes fondaient et se mêlaient à la substance argentée, ils fermèrent à nouveau les yeux et se souvinrent clairement de leurs chambres respectives ; leurs bureaux, leurs ordinateurs. Shad revit la grande tenture représentant le héros Link d’Ocarina of Time qui occupait une bonne partie du mur en face de son lit. Rémus revoyait ses peluches Yoshi et autres goodies. Chaque détail de ces lieux qu’ils n’avaient pas vus depuis un mois leur revint en mémoire. Puis le mal de tête s’intensifia, ils se sentirent partir, puis plus rien.

 

            Shad entendit le  bruit d’un aspirateur et se releva péniblement. Elle avait dormi affalée sur son bureau, juste devant son ordinateur éteint. Elle entendit sa mère encourager sa petite sœur Sandra à profiter de ce dimanche matin, magnifiquement ensoleillé malgré le violent orage de la veille au soir, pour ranger et bien aérer sa chambre. Shad s’étira, courbaturée après avoir dormi dans cette position inconfortable.

 

_Shad : J’ai encore fait un rêve bien spé… Il faudra que je le raconte à Sei et Rémi…

 

            Encore endormie, elle réalisa alors qu’elle était encore habillée et non en pyjama. Ce détail paraissait normal, étant donné qu’elle s’était endormie sur son bureau, mais elle se souvenait clairement qu’elle portait un pantalon la veille, mais à cet instant, elle était en robe. Soudain complètement réveillée, elle se précipita dans la chambre de sa mère pour se regarder dans le grand miroir accroché à la porte de l’armoire. Elle portait encore la tenue faite par Gally et une bourse de cuir accrochée à sa taille par une chaînette. Elle fouilla dans cette dernière et sentit la garde d’un sabre. Non, elle n’avait pas rêvé. Un sourire illumina son visage. Il n’était que neuf heures. Elle se précipita dans sa chambre, enleva sa robe, sortit ses vêtements normaux, sa tenue de combat, son sabre et des sous-vêtements de sa bourse en cuir avant d’enfiler son peignoir pour prendre sa douche. Une fois qu’elle eut fini, elle mit ses vêtements normaux dans le panier à linge et lava soigneusement à la main ses tenues et dessous venant de Gwendalavir. Sandra la rejoignit dans le jardin tandis qu’elle les accrochait au fil à linge, curieuse de savoir quels vêtements méritaient un tel traitement de faveur. Elle regarda sa sœur aînée avec étonnement.

 

_Sanne : Miliiiiiiii !!!!!! D’où ça vient ça ? Tu t’es acheté des trucs à Jap’n go ou sur internet sans m’en parler ?

_Shad : Euh… C’est assez compliqué…

_Sanne : Je ne vois pas ce qu’il  y a de compliqué, tu l’as acheté récemment quelque part c’est tout.

_Shad : Je dois passer un coup de fil. C’est long à raconter, j’appelle et après je te raconte.

 

            Une conférence sur skype entre Rémi, Sébastien et Shad fut lancée, après que cette dernière soit remontée en trombe dans sa chambre et ait eu la bonne surprise de les voir connectés sur msn en allumant son macbook. Ils avaient à peine prononcé une syllabe que le nom « Gwendalavir » s’échappa de leurs lèvres. Ils furent tous soulagés d’avoir une autre preuve que leurs vêtements et armes d’avoir fait un voyage dans une autre dimension. Un silence s’imposa pendant lequel chacun tenta de réaliser pleinement ce qu’il leur était arrivé. Ils avaient tous vérifié la date, ils étaient bel et bien partis un samedi pour revenir chez eux le dimanche matin suivant. Personne n’avait remarqué leur absence.

 

_Sébastien : Nous ont-ils aussi fait voyager dans le temps ?

_Shad : En supposant que le temps de Gwen et le nôtre sont les mêmes…  

_Rémi: Je me demande comment réagiraient les autres membres du forum s’ils apprenaient ce qu’il nous est arrivé…

_Shad : Si nous leur racontions ça, ils nous prendraient pour des tarés…

_Rémi: C’est clair qu’il vaut mieux garder ça pour nous…

_Shad : Je crois que je vais quand même devoir en parler à Sandra…

_Sébastien : Pourquoi ?

_Shad : Elle a vu mes fringues de Gwen et veut absolument savoir d’où ça vient…

_Rémi : Et comment vas-tu le lui prouver ? Nous ne pouvons plus utiliser les pouvoirs de nos armes… Et je ne vois pas d’autre preuve…

_Shad : Il me reste toujours la bourse… Quand elle verra que je peux y mettre des objets dix fois plus gros que le volume de cuir…

_Sébastien : Bon courage… Je ne le sentirais pas de devoir révéler ça à quelqu’un.

_Shad : Je vais l’appeler. Restez en ligne et vous témoignerez en ma faveur. Vous pourrez lui montrer vos affaires.

 

            Sandra fut alors convoquée dans la chambre de sa sœur. Shad lui fit un récit détaillé de leurs mésaventures. La première réaction de la jeune fille fut de leur demander d’arrêter de la prendre pour une imbécile. Mais à force de détails racontés et de démonstrations de la capacité de leur sac sans fond à faire disparaître des objets volumineux, Sandra commença à avoir de sérieux doutes. À force de concentration et au prix de grands efforts, Shad parvint même à faire luire la lame de son sabre d’une petite flamme rouge. Sa sœur dû alors se rendre à l’évidence.

 

_Sandra : Trop fort… Si tu y retournes, tu me ramèneras des fringues !

 

            Cette réaction les fit tous rire. Malheureusement, un autre voyage n’était pas prévu. Leur vie reprit donc un cours normal. Ils retournèrent tous dans leurs facs et travail respectifs où les exposés des professeurs et les installations électriques leur parurent soudain bien insipides. Carole, l’auteur de Kaoru et Marine, celle de Myia les recontactèrent pour parler de leur post. Il leur avait semblé que le rituel qu’ils avaient commencé n’était pas bon et qu’il fallait en refaire un autre autre part. L’histoire de la salle de classe pendant la nuit d’orage fut donc clôturée, mais Carole avait l’air bien décidée à rendre un corps à son personnage. Nos trois protagonistes sentaient eux aussi qu’ils allaient toucher au but et cela leur faisait très plaisir ; ils avaient tous été plus ou moins affectés par cette aventure. Shad, par exemple, avait toujours été quelqu’un de très solitaire, qui ne sortait pratiquement pas de chez elle. À présent, elle se surprenait parfois à avoir envie de traîner dehors, de préférence dans un endroit calme et plutôt boisé. Le lendemain d’un jour de pluie pendant ses vacances de toussaint, elle alla faire un tour à l’île Versailles, petit îlot vert émergeant de l’Erdre à Nantes. L’île était reliée à la rive par deux ponts et avait été aménagée comme un petit jardin japonais. Rémi était avec elle, l’ancien parisien avait quitté sa Mayenne profonde pour rendre visite à la nantaise et ils s’étaient installés devant un petit bassin où nageaient de gros poissons aux écailles rouges et quelques canards à qui Shad envoyait quelques miettes de pain qu’ils dévoraient avec gourmandise.

 

_Rémi: J’ai vu que tu avais commencé un post avec Marine à la bibliothèque…

_Shad : Oui, Lliane continue ses recherches pour nous contacter sans ouvrir de passage matériel. Myia va lui donner un coup de main. Bien sûr, Marine et moi ne parlons pas vraiment de choses techniques en matière de magie, mais je le sens bien… Nous verrons  comment le post évoluera.

 

            Elle lança à nouveau un morceau de pain à un canard. Elle aperçut alors son reflet dans l’eau, mais il lui sembla étrange. L’espace d’un instant, elle ne se reconnut plus et eut l’impression de voir des cheveux bleus, passés derrière de longues oreilles d’elfe et dont certaines mèches revenaient devant des yeux violets. Mais les morfales aquatiques vinrent brouiller la surface de l’eau pour récupérer d’autres miettes. Shad lança alors du pain vers un autre endroit du bassin pour les éloigner, mais quand elle regarda à nouveau son reflet, il était tout à fait normal. Il commençait à se faire tard et les soirées d’octobre n’étaient pas chaudes. Ils décidèrent donc de rejoindre la ligne de tramway pour rentrer chez Shad qui hébergeait le grand mayennais pour le week-end. Shad et Rémi traversaient le pont de métal et de bois qui les ramenait vers le bruit de la circulation quand le vent se leva. Il sembla alors à Rémi qu’il avait entendu le murmure d’une voix familière. Il se retourna, mais Shad était la seule personne présente.

 

_Rémi : As-tu dit quelque chose ?

_Shad : Non, rien… Pourquoi ?

_Rémi : J’avais juste l’impression d’avoir entendu parler. Sûrement à cause du vent.

 

            Shad et Rémi songèrent alors qu’ils pensaient beaucoup trop à leurs alter egos gwendalaviriens. À

moins que…

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