La croisée des mondes - chapitre 12

Publié le par shadeikin

La croisée des mondes - chapitre 12

Chapitre 12 : repos éternel.

 

                Une fois suffisamment loin du château de Raven, Diane avait pu se changer pour retrouver sa tenue verte et ses équipements qui avaient été rangés dans les sacoches de son cheval. Ils entamèrent ainsi un voyage à allure forcée dans une ambiance tendue vers le fief au Sud-Est du territoire, le marais des âmes.

Pendant la majeure partie du voyage, le paysage fut verdoyant ;  puis le terrain se fit de plus en plus humide voire boueux à mesure qu’ils s’enfonçaient dans le marais. Après cinq jours de voyage, ils se mirent à croiser à partir du crépuscule des poes, des âmes errantes, corrompues par le mal qui attaquaient les voyageurs à l’aide de leurs lanternes aux flammes colorées. C’est dans cette ambiance qu’une fois de plus, il leur fallait trouver un endroit pour bivouaquer, et malgré la puissance de leurs épées, ils savaient que les nuits dans un tel environnement ne seraient pas sereines. Ils chevauchaient au pas, attentifs au moindre bruit et au terrain, guettant un endroit un tant soit peu à l’abri, quand ils aperçurent une lueur au loin dans le brouillard, ils pensèrent d’abord à un poe, mais la lueur était fixe et chaleureuse, très différente de celle des monstres. Intrigués, ils décidèrent d’aller voir ce qui la produisait.

Après quelques minutes de cheminement, ils furent surpris de tomber sur un mur de pierre de d’un mètre cinquante de haut entourant une propriété et orné d’une multitude de symboles gravés. Ils identifièrent une auberge avec sa petite écurie. La lueur provenait d’une sphère lumineuse qui brillait à côté du portail de la propriété et une cloche était fixée de l’autre côté. Incrédules, ils la firent tinter et après quelques secondes, une lumière apparut à l’intérieur de l’auberge, portée par une dame d’âge mûr qui vint leur ouvrir.  Elle se présenta sous le nom d’Impa et sous la fonction de propriétaire de l’établissement. Le brouillard étant glacé, elle les invita à mener leurs chevaux à l’écurie pour ensuite la rejoindre dans la salle à manger.

Une fois à l’intérieur de l’établissement, ils découvrirent une large et agréable salle remplie de grandes tables en bois avec leurs grands bancs du même matériau. Un grand lustre circulaire muni de candélabres et une cheminée dispensaient à la fois chaleur et lumière. Au centre de la pièce, un comptoir servait de bar et permettait d’accueillir les clients, d’encaisser leurs paiements et de passer les plats par une large ouverture dans le mur donnant sur la cuisine. A sa droite, une porte menait à la cuisine et à la réserve de provisions, une autre donnait sur une salle de bain, tandis qu’une dernière à gauche menait aux escaliers conduisant aux quelques chambres pour les clients et aux appartements privés de la gérante et de son fils. Impa leur servit un thé chaud à chacun et leur demanda s’ils comptaient passer la nuit dans son établissement.

 

_Diane : Avec plaisir, nous ne pensions pas pouvoir dormir sous un toit ce soir.

_Le brun : Bien qu’en vrais héros, dormir en extérieur ne nous pose aucun problème.

_Sword : Mais n’est-ce pas dangereux de vivre ici ?

_Impa : En journée, il ne se passe jamais rien et la terre est plus généreuse qu’on ne pourrait le penser, le jardin et nos quelques bêtes nous apportent la majorité de nos besoins et la ville n’est pas si loin.

_Wind : Mais de nuit, les poes ne vous attaquent-ils pas ?

_Impa : Vous avez dû voir les gravures sur le mur et la lanterne au portail. Ce sont des protections magiques contre les esprits, nous ne risquons rien, les monstres physiques sont rares ici. Je m’offre même le luxe de prendre des somnifères parfois pour dormir plus facilement et je ne crains pas d’être attaquée dans mon sommeil.

_Light : Mais je me demande ce qui peut vous avoir motivée à ouvrir une auberge ici. Vous ne devez pas avoir beaucoup de clients.

_Impa : Je suis née dans cette maison et j’y mourrai. Quand le monstre qui gère de cette région a été envoyé par les rois, il a décimé une grande partie de la population de la plus grande ville de ce fief pour former son armée et asseoir son autorité. C’est devenu une nécropole en ruine et son quartier général. Mes clients sont des voyageurs qui y vont se recueillir sur la tombe de leurs disparus ou qui portent les tribus au seigneur. Cette nuit, je n’ai qu’un homme qui retournera à la ville demain comme client et vous.

_Oracle : Je vous trouve courageuse de rester ici malgré tout.

_Impa : Il faut savoir tenir bon jeune homme. Pour ce qui est du couchage, mes chambres sont petites,  avec deux lits simples ou une avec un lit double ; je pense que nous pourrons y mettre le jeune couple et les autres garçons se répartiront comme ils voudront.  J’avais commencé à lancer le repas, je vais voir où ça en est, mettez-vous à l’aise en attendant.

 

                Avant même que Tim et Diane ne puissent protester, Impa était partie vers la cuisine et son fils avait commencé à monter les sacoches qui avaient été retirée des chevaux dans les chambres. D’abord bouche bée, les deux protagonistes décidèrent de ne pas relever les sourires moqueurs de leurs amis et quand Impa revint avec leur repas, Diane tenta de rétablir les choses.

 

_Diane : Vous savez, nous ne sommes pas en couple.

_Impa : Allons, allons, il ne sert à rien de se montrer timide ou de se mettre des barrières. Et puis, aussi forte que vous soyez, il est normal de vous octroyer un garde du corps dans ce monde brutal.

 

La jeune fille laissa tomber et ils profitèrent tous de leur repas. Comme ils avaient avancé à marche forcée depuis la fuite du château de Raven, ils n’avaient pour seules informations sur cette région que les quelques dires d’Impa. Ils décidèrent donc de passer non pas une, mais deux nuits dans l’auberge pour tenter de mieux préparer leur prochaine étape et permettre aux chevaux de récupérer. Après manger, ils lavèrent certaines de leurs affaires après avoir revêtu chacun une tenue de nuit ; puis vint le moment de dormir. Tim et Diane se retrouvèrent seuls dans une petite chambre dans laquelle ils trouvèrent un lit deux personnes, deux chaises, deux tables de nuit avec deux lampes, une petite commode et un meuble de toilette comportant un miroir et supportant un lavabo, deux petites serviettes de toilette et du savon.

Tim se coucha le premier tandis que Diane se rafraîchissait en se lavant les dents et en se nettoyant sommairement le visage. Il regarda sa silhouette qui lui parut frêle dans sa longue chemise de nuit en satin. Elle vint ensuite se coucher et ils s’endormirent en se tournant le dos après s’être souhaité bonne nuit.

Le lendemain matin, un rayon du soleil timide filtrait à travers les volets de la chambre. Tim commença à reprendre conscience. Les yeux encore fermés, il se sentait particulièrement détendu, respirait une bonne odeur de rose et avait une sensation de chaleur et de douceur contre lui. Relaxé, mais étonné d’un tel confort, il ouvrit les yeux et se rendit compte qu’il tenait Diane serrée contre lui. L’odeur de rose provenait du savon qu’elle avait utilisé la veille au soir et son souffle calme lui fit frissonner le cou ; elle dormait encore.

Dans un premier temps, il ne sut pas quoi faire et resta interdit. Gêné, il commença à s’écarter en bougeant le moins possible, mais ce simple mouvement déclencha de petits gémissements contrariés et des mèches de cheveux retombèrent sur le visage de la jeune fille. Tim les lui releva, caressant sa joue au passage, ce qui acheva de la réveiller. Il se figea et bredouilla un «bonjour ». Diane lui répondit, encore endormie.

 

_Diane : Bonjour…

_Tim : As-tu bien dormi ?

_Diane : Hum, oui, très bien… Il faut dire qu’après avoir dormi à la belle étoile, on ne peut que bien dormir dans un lit. Et toi ?

_Tim : Ça a été… Nous devrions aller déjeuner. Nous avons prévu de nous poser un peu, mais il faut s’occuper des chevaux et tâcher d’en apprendre plus sur ce fief.

_Diane : Je te laisse prendre la salle de bain, j’irai après et je te retrouverai dans la salle à manger.

_Tim : D’accord.

 

                Le jeune homme se leva et remit une chemise au grand dam de Diane. Elle le regarda sortir de la chambre, puis referma les yeux, s’offrant un moment de détente paresseuse dans ce voyage de fou. Après un temps qui lui parut raisonnable, elle enfila une robe de chambre qu’Impa lui avait prêtée, puis descendit à son tour. Elle vit ses compagnons déjà habillés et attablés avec l’autre client de l’auberge à discuter. Elle entra rapidement dans la salle de bain. La pièce était assez spacieuse : une grande baignoire, un lavabo, une pile de serviettes de bain propres sur un meuble et un panier contenant les serviettes utilisées ; ainsi que quelques produits de toilette permettaient aux clients de veiller à leur hygiène. Diane posa ses vêtements sur une commode, se déshabilla et profita d’une douche bien chaude avant de s’envelopper dans une serviette.

                A ce moment, elle entendit des cris à l’extérieur et elle n’eut pas le temps d’attraper ses vêtements qu’un Stalfos entra dans la pièce en défonçant le verre translucide de la vitre. Diane l’esquiva et, sans arme, préféra appeler à l’aide de toute la force de ses cordes vocales. Elle parvenait à esquiver les coups et à le repousser quand elle entendit tambouriner à la porte.

 

_Tim : Diane ! Ouvre, vite !

_Light : Qu’est-ce qui se passe là-dedans ?

_Diane : Un Stalfos ! Je n’ai pas mes armes !

 

                Elle parvint à stopper le bras du squelette et à le mettre à terre, ce qui lui permit d’atteindre le verrou et de l’ouvrir. Son groupe d’amis se précipita au complet dans la pièce, massacrant le monstre en moins de temps qu’il n’aurait fallu pour le dire.

 

_Diane : Merci.

_Tim : Tout va bien ?

_Diane : Oui.

_Sword : Mais je croyais qu’il n’y avait pas de monstres physiques dans le coin.

_Light : Impa nous a dit que c’était rare, pas inexistant. Et puis des Stalfos, ce n’est pas déconnant.

_Le brun : En tout cas, c’est certainement le meilleur sauvetage auquel j’ai participé. Il est cool ce monstre d’avoir attaqué dans la salle de bain…

 

                Diane recula d’un pas pour échapper au champ de vision du brun derrière Tim qui se tourna vers lui de façon à la cacher complètement et à envoyer un regard assassin en réponse à la lubricité du fautif. La jeune fille s’agrippa à la tunique de Tim pour qu’il ne bouge pas et intima aux autres l’ordre de sortir, après quoi elle fit avancer son otage pour pouvoir refermer la porte sans perdre le bénéfice de son paravent vivant.

Le reste de la journée se passa sans grande animation. Les membres du groupe s’occupèrent des chevaux, de leur matériel et discutèrent avec les gérants de l’auberge et les rares personnes qui passèrent aux abords.

Ils apprirent que la plupart des bâtiments de la nécropole étaient encore intactes, puisque les attaques des fantômes ne provoquaient pas de grands dégâts matériels.

Ils en apprirent également plus sur le bestiaire en présence : en plus de rares Stalfos et de nombreux poes patrouillant dans la région, les victimes du massacre de la ville avaient donné des Effrois, goules brunes et malodorantes uniquement vêtues d’un pagne sale et la version momifiée de ces monstres, appelée Gibdos. Mais le maître des lieux, Iron Knuckle, n’était pas venu seul asseoir son autorité : il était accompagné d’Armos, des statues pouvant prendre vie à l’approche d’une potentielle victime et se déplaçant en sautant sur leur socle pour aller donner des coups d’épée ; ainsi que de Ropes : de très grands serpents à la morsure particulièrement venimeuse et douloureuse. Iron Knuckle quant à lui, était une grande armure de chevalier habitée par un monstre qu’il ne serait pas envisageable de vaincre si les épées de nos protagonistes n’étaient pas enchantées.

                Alors que le jour déclinait, Diane examinait les runes gravées sur l’intérieur de la muraille entourant l’auberge. Un vent frai se mis à souffler, la faisant frissonner, c’est alors qu’une couverture vint se poser sur ses épaules.

 

_Diane : Merci.

_Tim : M’avais-tu entendu venir ?

_Diane : Oui, je ne peux pas me permettre de ne pas faire un minimum attention à ce qui se passe autour de moi ici.

_Tim : N’empêche… Il est très rare de croiser des Stalfos ici, mais tu t’es quand même faite attaquer au moment où tu étais la plus vulnérable.

_Diane : Et qu’en conclues-tu ?

_Tim : Je pense qu’il ne serait pas prudent que tu viennes avec nous dans la nécropole… Si les monstres d’ici ont la possibilité de te repérer facilement, il vaut mieux que tu restes ici où tu bénéficies d’une relative protection.

_Diane : Donc, tu me demandes de rester ici à faire la demoiselle inutile.

_Tim : Tu n’es pas inutile, mais là, les risques semblent déraisonnables.

_Diane : Dit celui qui a combattu un monarque et son armée à lui tout seul.

_Tim : J’ai eu des soutiens…

_Diane : J’en ai aussi, je n’ai pas moins de six héros légendaires avec moi, ce n’est pas rien. Assez parlé de ça, rentrons.

 

                Inquiet, Tim alla faire un brin de toilette dans sa chambre avant le dîner. En ressortant, une idée lui vint à l’esprit ; il s’introduisit dans la chambre d’Impa et s’empara du flacon contenant sa potion somnifère. Après le repas, Diane appréciait une bonne tisane et ce fut Tim qui la lui apporta en prétextant qu’il allait s’en chercher un aussi. La jeune fille but sans méfiance le breuvage aux senteurs florales.

Le groupe se coucha tôt et les six garçons se retrouvèrent au portail un peu avant l’aube. L’absence de Diane fut bien entendu aussitôt remarquée.

 

_Wind : Où est Diane ?

_Sword : As-tu réussi à la convaincre que c’était trop dangereux ?

_Tim : Oui, nous repasserons par ici après avoir récupéré le prochain joyau.

_Light : A-t-elle vraiment accepté de rester en arrière…? Ça m’étonne d’elle.

_Tim : Ça n’a pas été simple et nous devrions nous dépêcher de régler ça si nous ne voulons pas qu’elle décide finalement de nous rattraper toute seule.

 

 

Ils se mirent en route, d’abord à cheval, atteignant la ville morte à l’abri de la brume matinale, rendue malsaine par la présence du seigneur du fief. Ils laissèrent leurs montures dans une grange encore en bon état à l’extérieur de la cité. Ombres furtives sous leurs capes noires à capuches, ils glissèrent entre les bâtiments. Hormis les Armos et les Ropes, les monstres fuyaient la lumière du soleil et restaient donc dans les maisons qui les abritaient déjà de leur vivant, peut-être était-ce là la dernière trace de leur ancienne vie. Ils purent repérer sans mal l’imposant manoir de l’ancien responsable de la ville dans lequel ils avaient appris qu’Iron Knuckle avait établi ses quartiers. Il allait falloir atteindre et détruire ce monstre sans lequel les âmes de ses victimes allaient enfin pouvoir être libérées de ce semblant d’existance.

 

 

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