La croisée des mondes - chapitre 10

Publié le par shadeikin

La croisée des mondes - chapitre 10

Chapitre 10 : l’air marin

 

                La mi-journée venait de passer quand l’air continental de la plaine commença à se charger d’iode. La mer se dessina à l’horizon et le fleuve s’élargit, formant une grande embouchure.  Ils accostèrent sur une belle plage de sable en fin d’après-midi, à proximité d’un village de pêcheurs. Ils se présentèrent dans la bourgade comme des mercenaires à la recherche de contrats.

Ils ne trouvèrent personne qui soit intéressé par leurs services, mais ils apprirent que le responsable de toute la bande côtière sud et de la mer en générale était Gordon : un monstre ressemblant à une machine, mais composé uniquement d’une tête monumentale et de deux mains tout aussi gigantesques, mais non reliées à la tête. Ces trois parties lévitaient au-dessus du sol ou se déplaçaient dans l’eau avec aisance.

Il résidait dans une très vaste grotte sous-marine comportant de nombreuses galeries et larges salles et son domaine était rempli de monstres serviteurs plus  modestes. Au loin sur la mer, une habitante leur désigna une petite île qui n’était en réalité que la partie émergée de cette fameuse grotte. Cette entrée permettait aux habitants du sud du pays de livrer par bateau les ressources et les rubis qui constituaient les impôts que Gordon collectaient pour son maître.

Un peuple aquatique avait été particulièrement touché par la répression sur cette région : les zoras. Cette espèce comportait deux races : la première était constituée des zoras des mers, élégantes créatures de forme humoïde à l’exception de la nageoire caudale qui prolongeait leurs crânes et des nageoires latérales partant de leurs coudes et avant-bras et de leurs hanches. Leurs grands yeux noirs en amandes se mariaient parfaitement à leur peau lisse et bleue claire. Cette race pacifiste fut réduite à l’esclavage.

La deuxième était connue sous le nom de zoras des rivières. Leur apparence était bien plus proche d’un animal, bipède ou quadrupède suivant leurs besoins. Deux petites nageoires et des branchies ornaient le côté de leurs têtes, des griffes armaient leurs mains palmées et, contrairement à leurs homologues des mers, ils avaient le pouvoir de cracher des boules de feu, caractéristique qui fit d’eux une race belliqueuse. Voyant leur potentiel, Gordon les enrôla à son service après les avoir soumis par la force en massacrant une bonne partie d’entre eux le jour où il leur avait laissé le choix : le servir ou mourir.

                En milieu d’après-midi, le groupe se décida à se présenter, dissimulé sous des capes, aux zoras des rivières qui contrôlaient les allées et venues. Ils gardèrent leur discours de mercenaire en quête de travail et voulaient voir le maître de la région. Ils furent embarqués avec un convoi de denrées et purent voir précisément le bestiaire maléfique à l’œuvre : des coquillos au fond de l’eau, d’immenses coquilles saint jacques pourvues de grands pics à l’arrière ;  des araknons, grandes araignées d’eau sautant à la surface ; des baris, des méduses électriques et des jellyfish, de grands poissons carnivores aux dents acérées et munis d’un appendice se terminant par une boule naturellement luminescente sur la tête.

                Le débarcadère était en pleine effervescence. Les serviteurs de Gordon les plus bestiaux devaient être retenus par les autres pour ne pas attaquer les habitants venus porter des marchandises, que d’autres monstres devaient inventorier. Le groupe de héros fut donc mis un peu à l’écart en attendant que tout soit réglé, une aubaine pour eux et surtout pour Wind. Il profita de sa petite taille pour se dissimuler derrière les plus grands et jeter une pierre sur un groupe d’araknons. Les monstres s’échauffèrent immédiatement, s’attaquèrent les uns les autres et voulurent s’est prendre aux livreurs qui paniquèrent, tandis que les zoras des rivières tentaient de ramener l’ordre. Au milieu de toute cette pagaille, le groupe s’éclipsa sans problème vers une autre rive de l’île, plus à l’abri des regards. Enfin seuls, ils voulurent commencer à échafauder un plan plus détaillé, adapté à leurs nouvelles observations. Devaient-ils se faufiler par l’entrée principale, devaient-ils tenter de trouver une autre entrée émergée ? Il leur semblait clair qu’attendre d’être présentés à Gordon sous leur identité de mercenaires et tenter de l’attaquer à ce moment-là serait suicidaire, il valait mieux trouver un moyen de bénéficier de l’effet de surprise.

                Leurs réflexions furent soudainement interrompues par des cris de douleur. Ils se rapprochèrent de la rive à l’abri des buissons pour ne pas être repérés. Ils aperçurent un zora des mers à la surface de l’eau, à quelques mètres de la rive dans l’eau peu profonde. Il était encerclé d’un groupe de baris qui semblaient s’amuser à lui envoyer des décharges électriques. Réalité ou création, ils ne pouvaient pas laisser cette créature se faire torturer. Cependant, ils ne pouvaient pas se permettre d’être repérés, aussi se mirent-ils d’accord en quelques mots avant de bander leurs arcs et de massacrer les assaillants. Le zora étourdi fut rapidement ramené sur la rive à couvert où il put reprendre peu à peu ses esprits. Il se présenta sous le nom de Mikau, ce qui fit sourire tristement Diane et Tim. Le groupe préféra rester vague sur son identité, précisant seulement qu’ils voulaient entrer dans la grotte de Gordon sans être vus.

 

_Mikau : Pour des êtres terrestres comme vous, il n’y a que l’entrée principale, solidement gardée.

_Tim : Trop voyant… Il faudrait donc trouver un accès immergé.

_Mikau : Mais vous ne tiendriez pas longtemps, la majeure partie de la caverne est remplie d’eau.

_Le brun : Il est pourtant vital que nous trouvions Gordon.

_Mikau : Puisque vous m’avez sauvé et que je ne pense pas que vous vouliez du bien à Gordon, je vais vous livrer quelques secrets de mon peuple. Des secrets que Gordon et ses sbires ne nous ont pas dérobés.

 

                Le zora les emmena dans une toute petite crique bien dissimulée par des récifs et après quelques secondes de nage sous l’eau, ils se retrouvèrent dans une petite grotte remplie par des coquillages bivalves géants. Mikau tapota un coquillage à des endroits précis, le faisant s’ouvrir. Il récupéra à l’intérieure une perle de la taille du poing d’un bleu profond.

 

_Mikau : Nous les appelons les perles d’Ymir. Elles sont fabriquées à partir d’une écaille zora, transformée en perle par ces coquillages perliers spéciaux que nous élevons. Notre rendement n’était pas très important et s’est totalement arrêté depuis  l’installation de Gordon, mais une créature terrestre peut facilement rester deux heures sous l’eau en profitant d’un apport suffisant en oxygène en la portant sur lui.

_Le brun : C’est exactement ce qu’il nous faut !

_Mikau : A la base, la mer est notre domaine, je peux également vous indiquer des entrées peu connues de cette grotte. D’ailleurs, vous pourrez trouver un atelier dans lequel a été développé un prototype qui avait pour but de développer le commerce et le tourisme avec les hyliens. C’est un artefact pour lequel des perles d’Ymir ont été utilisées et d’après les tests, il permettrait à l’un d’entre vous de devenir une véritable créature aquatique, nous l’avons appelé la queue de sirène.

_Light : Intéressant, ça pourrait être un avantage non négligeable.

 

                Mikau récolta suffisamment de perles pour tout le monde et les guida par la terre à un autre recoin de l’île avant de se glisser discrètement dans l’eau. Derrière un écran d’algues, ils découvrirent un passage vers l’intérieur de l’île. Mikau les laissa là et partit pour rentrer chez lui tandis que le groupe d’aventuriers se glissait dans le souterrain.

Ils se déplaçaient aussi discrètement que possible, profitant de l’intelligence limitée d’un certain nombre de monstres. Quelques coquillos firent cependant connaissance avec leurs lames, mais ils évitèrent soigneusement les baris, n’ayant pas d’arme à distance utilisable sous l’eau, et les zoras des rivières, plus intelligents et donc aptes à organiser un minimum la garde et savoir si l’un d’eux manquait à l’appel.

                Grâce aux indications de Mikau, ils trouvèrent l’atelier ; c’était une des rares pièces hors de l’eau et pourvue de plusieurs cheminées d’aération nécessaires pour pouvoir allumer un feu permettant de transformer diverses matières premières. La queue de sirène reposait soigneusement rangée dans un coffre au fond d’une remise. Les garçons insistèrent pour que Diane la prenne, car elle lui assurerait plus de chances de s’en sortir, mais certainement aussi pour des raisons plus esthétiques. Comme elle n’avait pas vraiment de raison de refuser, elle enfila la queue de sirène faite d’un tissu soyeux. A peine l’eut-elle remontée à sa taille qu’elle eut une sensation étrange, malaisante. Elle s’illumina, tel un pokemon en train d’évoluer, et une fois la lueur dissipée, elle était devenue une véritable sirène à la queue azur, même couleur que le haut de bikini qui constituait son seul vêtement restant. Fort heureusement, sa bourse, son épée et son bouclier étaient restés à leurs places. Pour la respiration, de très discrètes branchies étaient apparues derrière ses oreilles. Elle eut du mal à respirer pendant les quelques secondes nécessaires à l’adaptation à la transformation. D’abord un peu inquiets de la voir oppressée, les garçons furent ensuite ravis de la voir totalement dans son élément et sous une forme qui ravissait leurs regards.

                Pensant qu’ils étaient bien assez de cinq à regarder Diane sous toutes les coutures, Wind avait continué à fouiller la réserve. Il y trouva de nombreux outils, des lances zoras neuves ou en réparation, des objets de vie courante neufs, mais aussi une caisse remplie d’objets très intéressants.

 

_Wind : Hey ! Regardez, j’ai trouvé une arme à distance à utiliser sous l’eau !

 

                Le gamin avait ramené de la remise sept grappins : arme pourvue d’une grosse pointe de métal meurtrière fixée au bout d’une longue chaîne repliée dans un compartiment à l’autre bout duquel une poignée munie d’un bouton permettait de la propulser.  Il fut félicité pour sa trouvaille et les armes furent distribuées. A partir de là, même si la discrétion était encore de mise, les grappins furent grandement employés pour éliminer les ennemis au fur et à mesure en faisant le moins de bruit possible. Ils se frayèrent ainsi un chemin à travers les galeries jusqu’à atteindre une grande salle en forme de dôme. Ils y trouvèrent Gordon endormi, encastré dans le mur retaillé selon la forme de sa tête et de ses mains. L’occasion était parfaite. Sans un mot, n’utilisant que quelques gestes, deux d’entre eux se positionnèrent devant une main, deux autres devant l’autre et les trois derniers au-dessus de sa tête. Sur un signe de tête de Tim, ils se synchronisèrent et frappèrent de toutes leurs forces le monstre à l’aide de leurs masses. Le réveil fut brutal, mais pas fatal pour Gordon qui, dans un hurlement formidable, s’extirpa du mur brutalement, bousculant au passage les héros, à l’exception de Diane qui pouvait se mouvoir avec plus d’aisance.

                Elle était d’ailleurs perplexe, car dans le jeu dans lequel elle l’avait vu, Gordon devait être battu grâce aux bombes, chose impossible sous l’eau. Elle n’eut pas le temps de se poser trop de questions, car Wind et Oracle étaient sur le point d’être saisis par une des énormes mains. Diane dégaina son grappin et tira dans l’étrange œil qui occupait le centre de la paume. Un nouveau cri de douleur, la main s’agitait dans tous les sens, un liquide violet coulant de l’œil blessé.

Light imita Diane sur l’autre main. Furieux, Gordon ouvrit la bouche et tira de nombreuses salves de boules d’énergies dont la plupart vinrent exploser sur les murs de la salle, mais l’une d’elles frappa le brun qui coula doucement, inconscient. Entre les tirs et les mains qui s’agitaient, l’esquive devenait difficile. Très rapide grâce à son artefact, Diane sauva plusieurs fois ses compagnons qui finirent par mettre les mains hors d’état de nuire.  Ne restait plus que la tête. Light et Wind l’aveuglèrent avec leurs grappins, puis le reste du groupe se rua, masses magiques prêtes à frapper. La tête de pierre déjà fragilisée par le combat s’ouvrit en de multiples failles et retomba sur le sol, inerte. Via les ouvertures dans sa tête, le groupe trouva le joyau bleu que Gordon gardait.

Il n’était maintenant plus question d’être discrets, le combat les avait forcément fait repérer. Diane fut chargée d’emporter le brun blessé tandis que les autres ouvraient le chemin vers la sortie en poussant des cris guerriers et en hurlant que Gordon était mort. Ce fut la débandade parmi les troupes du monstre et une fois près de l’embarcadère, les héros ne furent pas les seuls à combattre. Les  habitants du village côtier venus faire des livraisons et des zoras des mers alertés par Mikau livraient bataille ; le tumulte et les cris leur ayant indiqué qu’il y avait une chance à saisir. Plusieurs blessés gisaient à terre, mais les opprimés, révoltés depuis longtemps par leur asservissement, luttaient avec hargne.

                L’arrivée des Link et de Diane, qui enleva sa queue de sirène, acheva le combat qui se termina par des cris de victoire des anciens esclaves de Gordon. Mikau s’avança vers les aventuriers qui recevaient déjà de chaleureuses poignées de mains et accolades.

 

_Mikau : Vous êtes nos héros ! Quand je suis retourné chez moi raconter notre rencontre, nous avons senti qu’il y avait une occasion à ne pas rater, mais nous ne pensions pas que vous nous offririez une victoire qui fut pour nous si facile. Nous allons maintenant nous organiser avec les villageois pour défendre ce que nous avons repris. Comment pouvons-nous vous remercier ?

_Diane : L’un de nous a été blessé, pourriez-vous nous aider à le soigner ?

_Mikau : Bien sûr, nous avons aussi quelques blessés. Nous n’allons qu’à aller voir la grande fée qui vit dans une grotte au bord de la mer. Gordon l’avait faite fermer, mais nous allons pouvoir facilement la libérer maintenant qu’il est mort.

 

                Les zoras organisèrent la manœuvre, aidés des villageois. Les blessés furent transportés sur des bateaux, tandis que les sbires restants étaient enfermés dans les geôles de l’île et laissés sous bonne garde. Certains zoras inspectèrent l’intégralité de l’île et récupérèrent les armes de l’atelier, pendant que l’un d’eux allait chercher le reste de la tribu qui maintiendrait l’île et le village sous sa vigilance.

                Une fois ces préparatifs terminés, les premiers soins avaient été prodigués aux blessés et les bateaux se mirent en route. Après une vingtaine de minutes de navigation, la falaise contenant la grotte de la grande fée était en vue. Des sbires croisés sur le chemin furent rapidement éliminés, en grande partie par Diane et ses amis, mais aussi par des zoras et villageois galvanisés par leur présence et la reconquête de leur région. Quant aux rochers qui obstruaient la grotte, ils volèrent en éclats grâce à une bombe bien placée.

                L’intérieure de la grotte commençait par un couloir qui menait à une salle circulaire dans laquelle un étang entouré des colonnes émettait une douce lumière. La grande fée fit son apparition dans un rire tonitruant. Elle était bien différente de celle des bois perdus. Ses longs cheveux roses tirés en arrière étaient séparés en trois couettes, son visage maquillé à outrance. Bien plus grande qu’un hylien, ses formes harmonieuses n’étaient recouvertes qu’au minimum par une couche de lierre qui lui collait à la peau. Elle les remercia de lui permettre d’être à nouveau libre et accepta volontiers de soigner les blessés. Ils furent donc allongés sur le bord en pente douce de l’étang, le corps immergé jusqu’en haut du buste. Les héros, un peu contusionnés et fatigués, furent invités à s’allonger de même et ne se firent pas prier. La grande fée ouvrit alors les bras ; des étincelles partirent de ses mains vers les blessés et l’eau émit une lumière un  peu plus intense. Les blessures se fermèrent, les brûlures et les commotions disparurent, les os se ressoudèrent. Après une bonne minute de ce traitement, tous les convalescents se relevèrent frais comme des gardons. Malgré cette bonne nouvelle, Diane avait l’air sombre.

 

_Tim : Tu n’as pas l’air contente, pourtant cette bataille se termine bien.

_Diane : Oui, c’est vrai… C’est juste que, si j’avais mes pouvoirs, j’aurais pu protéger le brun ou le soigner. J’ai horreur de me sentir si faible !

_Tim : Tu n’es pas faible, même sans tes pouvoirs. Tu te bats et tu voyages avec nous, tu fais largement ta part.

_Diane : Merci.

 

                Par la suite, pendant que les aptes au combat se chargeaient d’éliminer ou d’emprisonner les derniers sbires de la côte, les autres préparèrent une fête avec un banquet. La soirée fut particulièrement joyeuse : on mangea, on but, on se réjouit et des offrandes furent apportées à la grande fée. Le groupe de héros trouva facilement un hébergement, des munitions et des vivres chez les villageois et les zoras reconnaissants qui refusèrent obstinément le moindre rubis. La nuit fut douce, calme et les héros passèrent une nuit réparatrice, heureux d’avoir pu aider ces gens, même s’ils n’étaient pas vraiment réels.

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